La plupart de ceux qui viennent au studio pour leur séance portrait avoue d’entrée de jeux qu’ils ne sont pas photogéniques. Pourquoi est-ce une fausse idée ?
Crispation lors de la pose, déception en découvrant le cliché, honte parfois en feuilletant d’anciens albums… Très souvent, l’image qui s’affiche sur l’écran et s’imprime sur papier glacé ne correspond pas à ce que nous imaginions. Cette tête bizarre, ce sourire figé, ces bourrelets trop visibles, ce n’est pas nous !
Ou, en tout cas, pas la représentation que l’on se fait de soi… Ces déceptions qui s’accumulent nous donnent des complexes. Conséquence : on fuit les objectifs. Se privant par là même de souvenirs précieux, qui pourraient nous faire du bien plus tard. Pour aimer nos photos, il faut en réalité commencer par travailler son estime de soi. Pour ensuite redonner à la photo la place et le sens qu’elle mérite.
Aujourd’hui, nous existons beaucoup à travers notre image. Les réseaux sociaux en sont la meilleure preuve. Facebook, Instagram, Pinterest, Snapchat… Impossible d’échapper à cette folie de la photo instantanée. Se prendre en selfie partout, dans son quotidien, c’est afficher son bonheur aux yeux de tous. Partager les moments les plus valorisants de notre existence booste indéniablement l’ego : chaque « like » devient en effet une marque de reconnaissance de la part de nos proches. « Le problème, explique Audrey Boleat, coach en développement personnel, c’est que le rôle de l’image devient trop important. Toute notre représentation tourne autour de ces clichés. Cela renforce notre exigence envers nous-mêmes : la photo doit être parfaite, puisque c’est l’image que la société a de nous. »
Cette exposition sans limites nous offre aussi la possibilité d’une comparaison multiple. Qu’il s’agisse de nos amis ou de personnes « célèbres », comme des influenceuses de mode ou de beauté, nous nous comparons toute la journée à des photos qui semblent plus belles et plus avantageuses que les nôtres. « Sauf que la comparaison est faussée, rappelle la thérapeute. Aujourd’hui, la majorité des photos sont retouchées avec des filtres. Le grain de peau lisse, des yeux qui brillent ou sans cernes… Les influenceuses ont tout un attirail de retouches photo et d’éclairages très sophistiqués. Elles créent l’illusion d’une photo naturelle, prise sur le vif dans leur chambre, alors que ce n’est pas le cas. » Autrement dit, nous nous mettons une pression folle pour rivaliser avec une référence qui n’existe pas.
L’inconvénient d’une photo, c’est aussi qu’on peut la regarder longuement, la scruter sous tous les angles pour traquer tous les petits défauts. « Au lieu de se contenter de la photo prise dans l’instant et de l’émotion qu’elle représente, on part du principe que tout peut être amélioré et, donc, qu’il faut la retravailler », confirme Audrey Boleat. En réalité, on ne regarde pas la photo telle qu’elle est, on adopte instantanément un regard critique, qui nous place dans une position de contrôle vis-à-vis des clichés futurs. Les séances photo au studio permettent de s’en remettre entre les mains du professionnel: il vous positionne de façon à vous mettre en valeur.
Parce que l’on se préfère en mouvement
Si on ne se plaît pas en photo, c’est parce que, bien souvent, on ne se reconnaît pas dans ce portrait figé, statique. Notre cerveau a en effet l’habitude de percevoir notre image en mouvement, telle que nous la voyons dans le miroir. Cette représentation mobile, qui contient toutes nos expressions, nous est tellement familière qu’il nous est difficile d’être confrontés à une autre image de nous-mêmes, froide et impassible. « Privé d’informations essentielles telles que le contexte associé ou les émotions, notre cerveau ne peut pas s’approprier l’image. Il a alors une réaction de rejet, poursuit la spécialiste. Et ce rejet, on l’interprète brutalement comme “je suis moche” », ce qui n’est pas le cas, bien entendu !
Bien que les poses ne fassent pas tout l’art de la photo portrait, le but d’une photo de studio est en effet de fixer un instant vivant, mais contrôlé pour être photogénique. Elle doit être synonyme de spontanéité. Le photographe ne doit pas chercher à avoir un contrôle complet sur le rendu final. A l’inverse, dans une réunion familiale ou amicale, dès qu’un appareil rôde , on se fige, on se redresse, on s’arrête de parler. En faisant cela, la photo perd son naturel. Le rendu est plat, sans émotion : nous nous trouvons quelconques.
«Même en studio, les plus beaux portraits sont souvent ceux pris à notre insu. Pourquoi ? Parce qu’ils restituent d’avantage ce que nous sommes. » Avez-vous remarqué que les personnes que nous trouvons photogéniques ne sont pas forcément les plus belles de notre entourage ? Ce sont simplement celles qui ont une expression juste, non surjouée, et qui parviennent à transmettre une émotion, mais aussi une partie de leur personnalité à travers l’objectif.
La photo a changé de rôle. Aujourd’hui, elle aide à conquérir une certaine forme de reconnaissance personnelle. Très souvent, on prend une photo et on la publie sur Internet ou sur son smartphone en espérant recueillir des avis positifs concernant notre personne. On escompte, en quelque sorte, un retour sur investissement. « C’est trop attendre d’un simple cliché, souligne Audrey Boleat. Le but premier d’une photo est de créer un souvenir ou de partager un événement. » En lui donnant un sens dont elle ne dispose pas, on se met en effet une pression inutile.
Le clic droit a été désactivé sur le site Frédéric Verrier Photographe Bretagne Rennes-Paris.